Pour l’amour d’une vieille fille de Bologne !
J’ai acheté cette Ducati 900 SS 1978 à son premier propriétaire, en 1991, et j’ai alors passé plus de dix ans à son guidon. En 2003, Moto Revue Classic lui consacrait une couverture et un dossier de plusieurs pages.
Peu de temps après, un divorce et mon départ de Bretagne m’ont contraint à la vendre… Un geste que j’ai regretté le soir-même ! J’ai alors rappelé l’acheteur en lui expliquant que je venais de faire une énorme bêtise, et que moyennant le prix de mon erreur j’aimerais venir la récupérer à Lyon. En vain. L’homme a dit non, un non définitif, et ne m’a pas laissé le choix.
Avant de m’en séparer, en 2002, je m’étais rendu à Ursel avec cette 900 SS, par la route et pour le meeting Ducat’ d’avant 84. Saint-Malo, Caen, Rouen, Aire-sur-la-Lys, avec un crochet chez mon pote Bruno de Motosport 62, Lille, Gand, Ursel… Idem au retour ! Je n’ai jamais eu l’ombre d’une panne avec cette moto. Et sur place, j’ai remporté le troisième prix du concours des restaurations d’Ursel. J’ai conservé pendant des années le trophée remis par l’organisation, en me jurant qu’un jour je réunirai la machine et la coupe…
En 2005 je me mets à la recherche de cette 900 SS que j’avais entièrement restaurée, avec l’aide de mon copain Robert Atkinson, car j’ai su alors que mon acheteur s’en était séparé. Mais aucune trace de la Duchesse, aucune piste d’aucune sorte, malgré des petites annonces semées un peu partout dans les magasines et les blogs Ducati des quatre coins de la terre. Finalement, après une enquête de huit ans, j’abandonne. Je ferme le dossier en 2013 au moment même où j’ouvre Legend Motors.
Et puis le 14 mars dernier, je reçois l’appel d’un monsieur fort sympathique, Jean-Paul, qui me propose trois Ducati anciennes à courroies toutes bien révisées et dans un jus incroyable. Au cours de la discussion il évoque son magnifique 900 SS à couples coniques, noir et or… Vous le voyez arriver le truc ? Oui ! C’était bien MA moto, et le plus fou c’est que Jean-Paul habite à seulement dix kilomètres de chez moi ! Je n’en croyais pas mes oreilles… Le lendemain, exceptionnellement, j’ai fermé la boutique en plein milieu de l’après-midi pour foncer chez lui. Ma moto était bien là !!! Moi qui avais poussé mes recherches jusqu’aux Etats-Unis, elle était là, devant moi. Depuis 2010 elle était à ma porte, et dans le même état qu’en 2002, avec juste 7600 km de plus.
J’allais dire parfaite, mais elle arbore quand même sur le flanc droit un stigmate auquel correspond une anecdote. Paris, place de l’Etoile, alors que je venais de faire l’intérieur à un type en voiture ce dernier se met à m’insulter. Vexé que je l’envoie promener il se met à fouiller dans sa portière, moi, craignant la suite je suis sur mes gardes. Mais voilà qu’il sort une canette de bière et la projette dans ma direction. Si j’ai pu l’éviter, le cache latéral de ma moto a lui bien été touché, résultat : une cicatrice finalement toujours visible des années après, et à laquelle je suis en quelque sorte attaché, comme un témoignage d’une des nombreuses aventures qu’elle et moi avons partagées.
Maintenant, grâce à un homme de cœur elle a rejoint son trophée dans la boutique. Merci à toi Jean-Paul pour ces superbes retrouvailles ! Affaire à suivre…
Le mot de Jean-Paul :
“La légitimité de cette réunion était évidente. Moto et coupe se sont d’abord retrouvées chez moi pendant quelques jours, avant d’être de nouveau séparées mais pas pour longtemps cette fois, deux jours à peine. Le 20 mars, jour de l’anniversaire de Christophe, je suis arrivé à 09H00 rue Saint-André au guidon de la SS, pour en repartir vers midi en lui laissant la moto. Et rapidement, j’y suis retourné au guidon d’une autre Ducat’, une Pantah 500 SL de 1981, premier modèle d’une très longue lignée qui perdure encore aujourd’hui, pour rapporter sa coupe à notre ami. Cette fois, la séparation aura été de courte durée, comparée aux douze ans pendant lesquels il lui a fallu patienter ! J’espère maintenant que les trois, Christophe, la 900 SS et la coupe, resteront à tout jamais inséparables…”
Pour compléter ce post, voici quelques images, superbes, que l’on doit à Slimane Kedjam, venu immortaliser cette machine devant la boutique. Merci à lui !
Quelle belle histoire !
Nous qui aimons la moto classique, nous ne pouvons pas rester insensibles au charme d’une aventure aussi sympa.
Nous avons tous au fond de nous-mêmes une (voire plusieurs) motos que nous regrettons.
C’est tant mieux si tu as pu récupérer cette jolie machine, qui en plus a semble-t-il été choyée.
Aimant la moto depuis mon enfance, ayant le permis A depuis mon adolescence, et ayant possédé depuis de nombreuses motos, des petits aux gros deux temps, en passant par des Laverda, Norton, BSA, Ducati, et même des Japonaises customisées…
A la lecture de cette histoire, j’y suis allé de ma petite larme.
Il y a de sacrés moments à vivre !
Signé Christian, un monsieur de 62 ans aujourd’hui.