Retour sur un essai de cette Münch Mammouth TTS 1200 1972 entre Lille et Saint-Malo, août 2017.
Et parlons de choses qui fâchent tout de suite : le prix d’une telle machine est à l’image de sa cylindrée, c’est à dire, respectable ! Disons qu’il est largement supérieur au prix d’une 1000 Vincent Black Shadow. Mais vous ne voudriez tout de même pas avoir une Münch à l’œil ?
Selon qu’on aime ou qu’on n’aime pas, une Münch peut être géniale ou démente. En tout cas, elle ne laisse pas indifférent. C’est la plus grosse, la plus chère, et ces deux notions sont à la base du mythe de la Mammouth. Il est bien certain que sur le plan strictement commercial, une telle machine ne se justifie pas vraiment. On pourrait même dire qu’après avoir défié les lois de la raison, elle fait de même avec celles du marketing. Cependant, toute règle a une exception, et la Münch-4 est celle de l’industrie motocycliste.
La Mammouth n’est pas une moto conventionnelle, et cela se voit au premier regard. Elle est massive et il se dégage d’elle une force bestiale. En un mot, c’est une beauté germanique ! Tout est rationnel, fonctionnel, mais en aucun cas esthétique. Ou, alors, pour certains et j’en fais partie : la plus belle moto du monde ! Heureusement, le beau rouge orangé et le gris métallisé lié aux nombreuses parties chromées ou polies adoucissent un peu l’ensemble du monstre. Mais arrêtons un peu de la renifler, et partons en ballade. On charge la bête pour un voyage d’une semaine, et on prend la route, en duo, vers l’ouest, avec quelques bons camarades…
La selle biplace possède un bon décrochement, et les genoux, grâce à des évidements dans le réservoir, autorisent une position de conduite très agréable. Une légère pression sur le bouton du démarreur, et le moteur est lancé. Bien que la Mammouth n’ait que deux pots d’échappement, la sonorité est un véritable régal. Ce bruit rauque et métallique à la fois s’apparente un peu à celui d’une Porsche, et prend véritablement aux tripes. En raison de la faible inertie des pièces en mouvement, le moteur prend des tours d’une façon incroyable pour une aussi grosse cylindrée. En selle, et c’est parti pour une semaine de balade. Première en haut, et nous voilà lancés sur une moto avec un couple de fou furieux. Sous les mimines, les leviers et commandes Magura bien distribués font apprécier particulièrement le faible diamètre des poignées, ce qui augmente l’agrément de conduite. La commande d’embrayage est ferme mais reste dans des limites acceptables. On passe la seconde, la troisième et enfin la quatrième ; la progressivité n’est pas sensationnelle mais on excusera tous ces petits défauts quand on sait que le mécanisme doit diriger un couple de près de 12 mkg.
Dès que la moto roule, toute sensation de poids disparait. Le moteur se montre docile, il ne chauffe pas, il ne s’encrasse pas, et comme les rapports de boite sont longs, on ne passe que rarement la troisième quand on traverse les premières agglomérations qui sentent déjà bon les vacances. Les reprises dès le plus bas régime sont franches, la cylindrée parle mais on ne sent pas le véritable coup de pied aux fesses comme sur la 1000 Vincent, par exemple. La puissance effective arrive entre 4000 et 5000 tr/min, et là, oubliez tout ce que vous connaissez car c’est un déchainement et aucune moto, jusqu’à ce jour, ne m’a causé une telle impression de puissance. Le moteur de notre colossale Mammouth étant quasiment neuf, je n’ai pas pu tirer la quintessence de la machine. En fait, même si cela avait été possible, je ne pense pas que sur une route ouverte j’aurais pu en venir à bout. Mais je compte bien la rôder à ma manière…
La Münch n’est pas un serpent de mer, bien au contraire, à 150 km/h, soit 4500 tr/min, la machine donne l’impression d’être sur un rail. Elle suit à merveille sa trajectoire et il faut de très grosses inégalités sur la route pour qu’elle se mette à onduler. La fourche de ma TTS est un modèle du genre et parait être réglée au mieux des caractéristiques de la machine. Sur les bons revêtements des routes que nous avons empruntées, les Koni sont à la hauteur de leur réputation sur la Münch, même si, dans quelques aspérités, on regrette des ressorts un peu trop durs, on peut ressentir quelques violentes secousses, parfois même douloureuses pour les quinquagénaires que nous sommes.
La grande question qu’on se pose dès le départ, c’est : est-ce que la Mammouth freine lorsqu’on aura besoin de ralentir ce monstre aussi vite qu’il va pour le dire ? Un double came de 250 mm de diamètre fait étonnement le job, mais 260 kg à vide, soit sans compter le pilote, le copilote, les bagages et le plein, c’est beaucoup ! Et on ressent une baisse sensible de l’efficacité au bout de quelques freinages énergiques. Un double disque s’imposerait peut-être, mais pour ma part je préfère ce beau tambour et composer avec la circulation. Etre donc plus concentré et mieux envisager les autres. Cela dit, le frein arrière est un complément très utile et il est donc tout à fait possible de rouler au quotidien avec une telle machine.
Après quelques jours sur la route, quelques visites de copains, quelques dégustations de breuvages locaux, je me sens parfaitement rassuré sur cette machine qui, même en duo, se révèle être une moto de grand chemin. Son autonomie, très au dessus de la moyenne, est un très bon point, surtout sur autoroute où tout arrêt fait brutalement chuter la moyenne et grincer les dents de mes petits compagnons de voyage. L’étagement de la boite de vitesse se révèle excellent dans toutes les circonstances, avec la première très longue, et la troisième près de la quatrième. Sur les petites routes de Bretagne, la Münch n’a certes pas l’agilité d’une 250, mais cela je m’y attendais. J’ai été néanmoins surpris de sa faculté d’adaptation, elle se bascule aisément, mais aux basses vitesses aura tendance à engager. La solution pour la relever dans ce cas est de donner un bon petit coup de gaz et de crier “banzai” ! La garde au sol, du moins pour une utilisation tourisme, est plutôt satisfaisante. Malgré tout, la Mammouth se prête peu à ces fantaisies et il vaut mieux, dans l’intérêt de tous, adopter un rythme moins rapide.
Comme je l’ai dit plus haut, je n’ai pas eu l’occasion de mesurer les performances exactes de notre machine. Je n’en annoncerai donc pas pour le moment mais la Münch, comme la Rolls, a suffisamment de chevaux pour aller vite. Et en prenant référence sur les chiffres d’un vieux “Das Motorrad”, on peut tabler sur une vitesse de pointe de 230 km/h et la possibilité de passer de 0 à 100 en 4 secondes. Présenter la Münch comme la moto la plus puissante du monde, à l’époque, suffisait à énoncer son plus beau titre de gloire, mais elle ne saurait satisfaire l’amateur qui trouve sur cette machine colossale un vaste champ de découverte.
Construite en petite série, notre Münch-4 porte le numéro 279, et comme j’en rêvais depuis 20 ans, elle est à la hauteur de tout ce que j’ai pu imaginer. Je tire un grand coup de chapeau aux fidèles amateurs de Münch qui aujourd’hui encore utilisent leur moto au quotidien.
Bonne rentrée à tous.
Superbe machine, ça donne envie !
(Je suis proprio d’une royale 1200 Venture de 1986…)
Bonjour,
Je viens de regarder Mammuth, avec Depardieu, je n’avais jamais vu.
J’ai été surpris et admiratif devant cette moto, que j’ai reconnue illico bien qu’à l’époque je n’étais qu’un gamin d’à peine dix ans, mais déjà très intéressé par ces machines toutes marques confondues…
On lisait en long et en large les Moto Revue !
Voilà, zou, super article et très belle bécane.
In Munch we trust.
1972, the best year!
What else?
A very nice bike.